Avec l’arrivée d’une nouvelle vague et l’envolée du taux d’incidence chez les enfants (même s’il s’agit de cas de Covid non graves), la question d’un dépistage de masse dans les écoles se pose plus que jamais. La stratégie des « tests groupés », mise en place aux États-Unis, semble particulièrement efficace. Une tribune de Jean-François Rupprecht (Aix-Marseille Université, CNRS), Catherine Hill (Institut Gustave-Roussy) et Mara Aspinall (National Testing Action Program, directrice générale du Health Catalysts Group et professeure à l’Arizona State University).

 

L’arrivée d’une nouvelle vague de cas et l’apparition du variant omicron sont deux raisons pour davantage tester la population française. L’actualité récente, dont la contamination du premier ministre Jean Castex par un de ses enfants, illustre plus que jamais que les enfants peuvent contaminer des personnes vaccinées et que celles-ci peuvent être à leur tour contagieuses. La question d’un dépistage de masse dans les écoles est donc particulièrement d’actualité.

En France, la stratégie mise en place dans les écoles repose sur le déclenchement de tests ciblés lorsque des cas sont suspectés. Entre 100 000 et 200 000 tests salivaires par semaine ont été réalisés dans les écoles élémentaires françaises en novembre 2021,1 ce qui ne représente qu’une faible fraction (moins de 4 %) du total des effectifs (écoliers et enseignants).

Cette stratégie n’est pas celle retenue aux États-Unis par le National Testing Action Program (NTAP),2 une initiative financée à plus de 10 milliards de dollars par l’État fédéral américain pour mener la surveillance épidémique dans les classes de la maternelle à la terminale (K12). En juin 2021, aux États-Unis, environ 1 école sur 10 participait à cette initiative ; en septembre, c’était environ 1 école sur 5 à l’échelle nationale et jusqu’à 3 écoles sur 5 en Californie et à New York.

Les participants au NTAP effectuent des tests généralement hebdomadaires de dépistage, c’est-à-dire réalisés même en l’absence de cas suspect de Covid-19. En effet, la propagation du virus est souvent asymptomatique, surtout chez les enfants.

Afin de réduire les coûts du dépistage, une grande partie des tests est réalisée par la technique dite de pooling. De 10 à 20 échantillons sont ainsi mélangés dans un seul tube ; celui-ci est alors testé par la méthode PCR pour garantir une sensibilité suffisante. Lorsqu’un mélange est détecté positif, les enfants du groupe (pool) concerné sont testés individuellement par un test rapide antigénique ; ceux dont le test antigénique est négatif retournent à l’école mais ils sont testés tous les jours pendant 5 jours : c’est la stratégie dite « Test to Stay » (tester pour rester).

Les laboratoires participant au NTAP s’engagent à ce que le résultat du test soit renvoyé à l’école en moins de 24 heures.

Le plus souvent, ce sont les enfants eux-mêmes qui réalisent les prélèvements à l’aide d’un coton-tige à l’entrée du nez. D’après le retour d’expérience américain, ces prélèvements indolores sont bien acceptés par les enfants ; ils sont aussi deux à trois fois plus rapides à collecter que les tests salivaires : en effet, certains enfants ont des difficultés à saliver.

Ces campagnes de dépistage sont-elles efficaces ? Les résultats du NTAP sont encourageants. Des statistiques précises sont disponibles dans le contexte des universités. En particulier, il est possible de suivre au jour le jour les cas détectés par des tests groupés réguliers dans 64 campus universitaires de l’État de New York.3 La prévalence à la rentrée des classes est passée de 1,5 % au 2 septembre 2020 à 0,27 % au 2 novembre 2020. Plus de 2 millions de tests groupés ont été réalisés depuis ; ainsi, 5 000 tests ont été réalisés le 29 novembre 2021.

On pourrait craindre que ces campagnes de dépistage, en augmentant le nombre de cas détectés, pénalisent enfants et parents. En réalité, en réduisant la propagation, elles ont l’effet inverse – celui de réduire significativement le nombre de jours d’école perdus par les enfants ; c’est ce qu’indiquait déjà, en septembre 2021, un avis du Conseil scientifique français.4

Des campagnes de tests groupés similaires à celles appliquées aux États-Unis ou en Suisse5 sont-elles envisagées en France ? Après avoir émis deux avis négatifs en mai et août 2020, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) a finalement ouvert la porte à une possible utilisation des tests groupés dans son avis de novembre 2020.6 Cependant, à notre connaissance, l’efficacité des tests groupés n’a pas encore été évaluée auprès des écoliers français.

Jean-François Rupprecht, Catherine Hill, Mara Aspinall

Références :

1. Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports. Covid-19 : dépistage des élèves et des personnels. novembre 2021.

2. The Rockefeller Foundation. K-12 National Testing Action Program (NTAP). 25 mars 2021.

3. State University of New York. SUNY Covid-19 Case Tracker. 1 novembre 2021.

4. Conseil scientifique Covid-19 – Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale. Enjeux de la rentrée scolaire. 13 septembre 2021.

5. Hirslanden. Pool tests for all. 1 novembre 2021.

6. HCSP. Diagnostic et dépistage du Covid-19 à l’aide du poolage : actualisation des recommandations. 15 janvier 2021.